Troubles du spectre de l’autisme de l’enfant et de l’adolescent : des outils pour dépister et évaluer l’insomnie  

Les troubles du spectre de l’autisme (TSA) exposent fréquemment à l’insomnie. Ainsi, chez l’enfant, la prévalence de cette dernière serait comprise entre 50 % et 80 %. Les troubles du sommeil, au sens large, peuvent avoir des effets délétères sur la cognition, qu’il s’agisse de la mémoire, de l’attention, de l’apprentissage ou des performances intellectuelles. Le retentissement sur les comportements quotidiens et l’acquisition du langage pèse lourd dans le développement psychomoteur de l’enfant, sa santé mentale et son état physique. La sévérité des troubles du sommeil n’est pas dénuée de valeur pronostique, a fortiori quand ils s’installent dans la durée, ce qui n’est pas rare. Les pédopsychiatres et les spécialistes du sommeil ont des avis concordants : l’insomnie doit être systématiquement recherchée et traitée le plus tôt possible (entre 18 et 24 mois) en cas de TSA.  

Afin de faciliter le dépistage de l’insomnie et la surveillance de l’efficacité des traitements chez des enfants avec TSA, un groupe d’experts Européens a proposé deux nouveaux outils simplifiés et qui peuvent être facilement utilisés en routine par un praticien non spécialisé dans les troubles du sommeil.  

De la nécessité d’outils de dépistage adaptés et validés 

La simplicité et la brièveté des outils de dépistage sont deux caractéristiques qui doivent en priorité guider le professionnel de santé dans son choix. Les propriétés psychométriques de ces outils doivent être connues quand ils sont utilisés à des fins de dépistage, une précaution qui s’impose moins pour ceux relevant de la surveillance de l’insomnie et de son évolution sous l’effet de telle ou telle intervention visant à l’améliorer. 

Les outils de dépistage les plus pratiques et les plus répandus chez l’enfant sont le questionnaire rempli par les parents, l’échelle d’évaluation ou encore l’agenda du sommeil. Ils doivent répondre à toute une série d’exigences : validité dans le dépistage de l’insomnie dès l’enfance et application aux TSA, exécution rapide, seuils clairs permettant de conclure à une insomnie ou non, adaptation aux parents et aux soignants, dépistage d’autres troubles du sommeil que l’insomnie et, en cas de suspicion, orientation vers un spécialiste du sommeil.  

Le CSDI (Composite Sleep Disturbance Index) et la SDSC (Sleep Disturbance Scale for Children) sont deux exemples d’outils de dépistages relativement intuitifs et validés chez les enfants d’âge scolaire. Dans la présente publication, le groupe d’experts propose un nouvel outil composite et simplifié pour le screening des troubles du sommeil et qui est en partie basé sur l’échelle SDSC. Il a pour but de faciliter le screening rapide de ces troubles par des praticiens non experts du sommeil.  

Des outils de surveillance insuffisants 

Les outils de surveillance sont moins adaptés car peu concis ou mal structurés, volontiers chronophages pour les parents, qu’il s’agisse de l’agenda du sommeil ou des scores à calculer sur des sous-échelles multiples. De ce fait, il manque actuellement des critères clairs et précis pour quantifier les effets d’une intervention sur l’insomnie, optimiser les traitements et faciliter la confrontation entre les points de vue des divers intervenants. Un outil est proposé par les experts, auteurs de la publication, lequel combine l’évaluation des paramètres du sommeil, l’étude des données comportementales et la satisfaction des parents : cette approche structurée a le mérite de prendre en compte toutes les dimensions du problème, de compléter le dépistage avant toute intervention et de comporter des seuils visant à optimiser cette dernière. 

Des critères plus clairs pour évaluer la réponse au traitement   

Le panel d’experts retient 4 critères principaux pour évaluer la bonne réponse au traitement des troubles du sommeil : une latence d’endormissement inférieure à 30 minutes, une durée de sommeil correspondant à la durée recommandée (en fonction de l’âge de l’enfant), une durée maximale de sommeil ininterrompu supérieure à 6 heures et l’amélioration de la satisfaction des parents quant au sommeil de leur enfant.  

Dans les troubles du neurodéveloppement tels les TSA, il importe de minimiser le handicap et d’améliorer le bien-être des jeunes patients autant que de leurs familles. La lutte contre l’insomnie fait partie des mesures qui permettent d’atteindre cet objectif, et la mise en évidence de troubles du sommeil préoccupants grâce aux bons outils de dépistage doit faire envisager une prise en charge spécialisée. 

Dr Philippe Tellier


Article originel :
Banaschewski T et coll.  Practice Tools for Screening and Monitoring Insomnia in Children and Adolescents with Autism Spectrum Disorder. J Autism Dev Disord. 2021. 
https://doi.org/10.1007/s10803-021-05236-w