Au cours des deux dernières décennies, nombreuses sont les études à avoir abordé les relations entre les comportements et les troubles du sommeil chez les patients avec un trouble du spectre de l’autisme (TSA). Dans plus de 60 % des cas, ces patients vont faire l’expérience d’un sommeil problématique au cours de leur vie sous les formes les plus diverses : difficultés d’endormissement, latence d’endormissement allongée, diminution de la durée et de l’efficience du sommeil ou encore réveils nocturnes. Autant de symptômes qui rentrent dans le vaste cadre des troubles du cycle circadien veille-sommeil et des insomnies. Les relations entre ces perturbations du sommeil, les comportements diurnes et la santé mentale ont été particulièrement étudiées chez le jeune enfant, alors que les connaissances sont plus lacunaires dans le cas de l’enfant et de l’adolescent, a fortiori chez l’adulte.
Une étude transversale sur 446 enfants et adolescents avec autisme
C’est là tout l’intérêt d’une étude transversale réalisée au sein d’une clinique pédiatrique spécialisée dans laquelle ont été inclus 446 patients âgés de 16 mois à 18 ans, tous diagnostiqués d’un TSA. Les données concernant leur sommeil en termes de quantité et de qualité et leurs comportements ont été recueillies à partir des dossiers médicaux et d’évaluations psychologiques approfondies. Le sommeil a été analysé à l’aide d’un questionnaire spécifique à cette tranche d’âge, intitulé BEDS (Behavioral Evaluation of Disorders of Sleep), comportant 28 items centrés sur quatre thèmes : cris nocturnes/somnambulisme, sensibilité à l’environnement, réveils nocturnes avec sensation de désorientation, apnée/bruxisme. Les troubles mentaux et comportementaux, pour leur part, ont été pris en compte de manière exhaustive au travers de la Child Behavior Checklist.
Sommeil et comportements
L’analyse des données a révélé qu’indépendamment de l’âge, l’existence de perturbations du sommeil en termes de qualité ou de quantité était significativement associée à deux catégories de troubles comportementaux : internalisation à type de dépression ou d’anxiété, et externalisation à type d’agressivité, de délinquance ou de volonté de détruire. Dans les deux cas de figure ont été retrouvés les mêmes variables figurant dans le questionnaire BEDS, à savoir : la sensibilité excessive aux stimuli de l’environnement, les réveils nocturnes fréquents volontiers accompagnés d’une sensation de désorientation, ou encore la durée totale de sommeil diminuée.
Les résultats de cette étude transversale viennent compléter ou répliquer ceux d’autres études antérieures réalisées dans l’autisme qui plaident, pour la plupart, en faveur de relations significatives, voire étroites, entre les comportements diurnes, la santé mentale et les altérations qualitatives ou quantitatives du sommeil. L’étude souligne également un lien possible entre la sensibilité excessive aux stimuli de l’environnement et une plus grande prévalence des troubles du comportement, lien que les auteurs expliquent par le fait que cette hypersensibilité (à la lumière, au bruit ou à l’environnement de sommeil…) pourrait perturber le sommeil de certains enfants ou adolescents avec TSA.
Si les liens entre qualité et quantité du sommeil, comportement diurnes et santé mentale sont désormais établis, il reste maintenant à préciser la nature de ces liens, d’en comprendre les causes, afin de les prendre en charge et d’améliorer la qualité de vie des patients avec TSA, de jour comme de nuit.
Dr Philippe Tellier
Article originel :
Schreck KA et coll. Sleep quantity and quality as predictors of behavior and mental health issues for children and adolescents with autism. Research in Autism Spectrum Disorders. 2021 (18 mars) : publication avancée en ligne.
https://doi.org/10.1016/j.rasd.2021.101767