Grâce à l’actimétrie, les liens entre TSA et rythmes veille-sommeil se précisent
Les enfants et les adultes présentant un trouble du spectre de l’autisme (TSA) souffrent souvent de troubles du sommeil, en particulier, de difficultés d’endormissement, d’une durée de sommeil courte, de cycles veille-sommeil irréguliers, d’un syndrome de retard de phase de sommeil. Ces troubles peuvent affecter la qualité de vie des patients et de leur famille, et pourraient majorer certains signes de l’autisme comme : les comportements répétitifs, l’hyperactivité, les symptômes émotionnels et les perturbations des interactions sociales. Pourtant, la relation entre les schémas veille-sommeil et les traits du spectre de l’autisme est peu étudiée. Ainsi, une équipe de chercheurs a étudié si les caractéristiques du cycle veille-sommeil, particulièrement celles liées au sommeil, à l’activité physique et au rythme circadien, sont associées à certains traits du spectre de l’autisme.
Une évaluation de plus de 200 sujets présentant des traits autistiques
Au total, 236 adultes (18 à 87 ans, âge moyen 44,1±17,1 ans) et 31 enfants (4 à 17 ans, âge moyen 11,3±9 ans) présentant des traits du spectre de l’autisme sans déficience intellectuelle ont été recrutés, ainsi que des membres de leur famille. L’actimétrie portée en permanence (sauf lors d’un contact avec l’eau) a permis d’objectiver les paramètres horaires du sommeil. Les rythmes veille-sommeil ont été caractérisés selon :
- La qualité et la quantité de sommeil et l’ancienneté des troubles.
- Le niveau et le moment de l’activité physique.
- Le rythme circadien (amplitude, fragmentation, synchronisation aux stimuli externes).
L’entourage tenait également un agenda du sommeil. L’évaluation clinique a comporté une série de questions auprès de la famille ; les traits du spectre de l’autisme ont été évalués à l’aide l’échelle de réactivité sociale (Social Responsiveness Scale, SRS) afin d’évaluer la présence et la sévérité des altérations de la réciprocité sociale, et de l’inventaire d’évaluation comportementale des fonctions exécutives (Behavior Rating Inventory of executive Function, BRIEF) pour estimer la fonction exécutive. Les analyses statistiques (analyse de régression multivariée linéaire) ont été réalisées à l’aide du logiciel SOLAR-Eclipse.
Dans cette population, 5,5 % des adultes et 13,3 % des enfants se voyaient prescrire un traitement médicamenteux afin d’améliorer leur sommeil. Les enregistrements à l’aide de l’actimètre ont permis de recueillir les données de 4 639 jours et nuits, avec en moyenne les données de 17,3 jours ou nuits de bonne qualité par participant. Au total, 90,3 % des 236 adultes avaient bénéficié d’une évaluation complète des traits de l’autime (SRS et BRIEF), ce qui était le cas de seulement 64,5 % des enfants. Dans cette cohorte, les traits de l’autisme mesurés par le SRS étaient marqués (SRS≥60) chez 44,9 % des adultes et 38,7 % des enfants. Quant au score BRIEF moyen, il était chez les adultes de 115±32,5 et 122±29,5 selon qu’il était évalué par l’entourage ou par le participant lui-même, et de 94±28,1 chez les enfants.
Une association avec les perturbations du rythme circadien
L’analyse de régression multivariée linéaire chez les adultes a montré que l’augmentation des principaux traits du spectre de l’autisme au SRS et le dysfonctionnement exécutif à la BRIEF étaient associés à la perturbation de plusieurs paramètres veille-sommeil, en particulier liés au rythme circadien. Par exemple, après ajustement pour des comparaisons multiples, un score SRS plus élevé était statistiquement associé à une amplitude relative plus basse du rythme circadien (p=0,006) et une moins bonne synchronisation aux stimuli extérieurs (p=0,006). Un dysfonctionnement exécutif plus marqué était également associé à une qualité de sommeil et à un niveau d’activité physique perturbés.
Chez les enfants, un score SRS plus élevé était associé avec un début d’activité physique plus tôt dans la journée, et une diminution de l’amplitude du rythme circadien mais ces associations ne persistaient pas après ajustement, de même que pour le dysfonctionnement exécutif et l’activité physique et l’amplitude abaissée du rythme circadien.
Vers une meilleure compréhension des liens entre sommeil et TSA
Ces résultats s’appuyant sur les données de l’actimétrie, suggèrent que les perturbations du cycle veille-sommeil, et plus particulièrement du cycle circadien, pourraient être liées aux traits du spectre de l’autisme, notamment : aux perturbations des interactions sociales et à une diminution des performances exécutives, chez les enfants mais aussi les adultes présentant un TSA. La taille limitée de l’échantillon pédiatrique a probablement contribué à ce que ces résultats ne persistent pas après correction pour les comparaisons multiples. Ces données pourraient guider les futures recherches sur les mécanismes communs entre les traits du spectre de l’autisme et les schémas veille-sommeil.
Dr Isabelle Méresse
Elkhatib Smidt SD, Ghorai A, Taylor SC, et al. The relationship between autism spectrum and sleep-wake traits. Autism Res. 2022 Apr;15(4):641-652.
https://doi.org/10.1002/aur.2660