Autisme et troubles du sommeil : quelle est la part des facteurs génétiques ?  

Les troubles du sommeil sont très fréquents chez les personnes avec troubles du spectre de l’autisme (TSA). Ils se manifestent notamment par des difficultés d’endormissement et de maintien du sommeil (DIMS), des terreurs nocturnes ou encore des réveils matinaux précoces, plus rarement de l’hypersomnie. L’impact au quotidien de ces troubles du sommeil est majeur, pour l’enfant lui-même et pour sa famille.

L’élaboration de stratégies thérapeutiques spécifiques nécessite une meilleure compréhension des mécanismes qui favorisent la coexistence des TSA et des troubles du sommeil. L’une des hypothèses est que cette association reposerait sur une combinaison de facteurs génétiques et environnementaux. Les études pangénomiques, dites GWAS (genome-wide association studies), se sont avérées peu concluantes jusqu’à présent. Les approches génétiques quantitatives n’ont toutefois pas dit leur dernier mot et les résultats d’une étude de registre suédoise en témoignent.

Une étude de registre suédoise : plus de 50 000 cas de TSA

L’objectif de cette étude était de rechercher des liens étiologiques entre TSA et DIMS en recourant à des méthodes de co-agrégation familiale et des analyses portant spécifiquement sur des jumeaux.

Les jumeaux, frères et sœurs, demi-frères, demi-sœurs et cousins ​​de 50 097 personnes avec TSA ont été identifiés à partir des registres nationaux suédois. Leur risque de DIMS a été défini à partir des diagnostics d’insomnie et/ou des prescriptions de mélatonine et comparés entre eux et avec plus de 500 000 sujets témoins non apparentés. L’analyse portant sur les jumeaux d’enfants et d’adolescents avec TSA étudiait plus spécifiquement les liens étiologiques possibles entre DIMS et TSA.

Des DIMS ont été mis en évidence chez 22,8 % des personnes avec TSA et 1,1 % de sujets témoins. Les données montrent que DIMS et TSA cohabitent souvent au sein d’une même famille et que plus le lien de parenté est étroit, plus le risque de DIMS est élevé. Il est ainsi multiplié par 6,6 pour les jumeaux monozygotes (OR = 6,6 [IC 95 % 2,5-17,4]). Il est moins élevé mais significatif chez les jumeaux dizygotes (OR = 2,6 [IC 95 % 1,5-4,5]) et les frères et sœurs (OR = 2,5 [IC 95 % 2,4-2,6]). Chez les demi-frères, demi-sœurs et cousins ​​des personnes avec TSA, le risque de DIMS rejoint celui des groupes témoins, l’OR étant compris entre 1,30 et 1,50.

Les analyses portant sur les jumeaux mettent en évidence une corrélation significative entre TSA et DIMS, estimée à 0,57 (IC 95 % 0,53-0,61) avec une corrélation génétique de 0,62 (IC 95 % 0,60-0,68). Les facteurs génétiques partagés expliquent à eux seuls 94 % de la covariance entre DIMS et TSA, alors que les influences environnementales non partagées en expliquent 6 %. Les auteurs notent que certains traits d’autisme présentent aussi un recouvrement génétique avec les DIMS.

Ces résultats plaident en faveur de mécanismes génétiques communs aux DIMS et aux TSA et devraient influencer de futurs travaux pour une meilleure compréhension des mécanismes de la coexistence entre les TSA et les troubles du sommeil.   

Dr Philippe Tellier


Article originel :
Taylor MJ et coll. Etiological links between autism and difficulties in initiating and maintaining sleep: a familial co-aggregation and twin study. J Child Psychol Psychiatry. 2021 (1er juillet) : publication avancée en ligne. 
https://doi.org/10.1111/jcpp.13473