Les mouvements corporels spontanés au cours de la période néonatale sont-ils prédictifs d’un risque de TSA chez le nourrisson de 18 mois ? 

Les fœtus effectuent des mouvements corporels spontanés, déconnectés de toute stimulation externe dès la 9ème ou 10ème semaine de gestation. Ce sont les centres sous-corticaux de la motricité qui sont à leur origine, tels ceux situés dans le tronc cérébral ou encore la moelle épinière, au demeurant placés sous contrôle de centres corticaux au travers de réseaux neuronaux complexes et interactifs. La première année de vie est marquée par la survenue de modifications tant qualitatives que quantitatives de ces mouvements corporels spontanés. Ces derniers peuvent-ils être précocement modifiés par l’existence d’un trouble du spectre de l’autisme (TSA), au point de fournir des informations prédictives de son développement ultérieur ? Selon certaines études, les mouvements de la tête pendant le sommeil au cours de la période néonatale constitueraient d’ailleurs un biomarqueur potentiellement associé au risque ultérieur de TSA.  Il en irait de même pour certains mouvements relevant de la motricité générale, lesquels seraient plus stéréotypés, plus monotones ou plus rigides mais aussi moins variés au cours des premiers mois de la vie dans des troubles neuropsychiatriques autres que le TSA, ceci comparativement à des sujets témoins.  

Une étude de cohorte longitudinale japonaise de 75 nouveau-nés 

Ces hypothèses sont à l’origine d’une étude de cohorte longitudinale japonaise dans laquelle ont été inclus 75 nouveau-nés (dont 48 garçons et 27 filles). Seize d’entre eux étaient à haut risque de TSA. Les mouvements corporels spontanés ont été enregistrés par une caméra vidéo pendant le sommeil et les phases d’éveil dans les deux jours après la naissance. Les images ont été traitées à l’aide d’un algorithme spécifique d’évaluation et de classification de la motricité générale qui, en se référant à un centre de gravité corporel et en soustrayant un « bruit de fond », aboutit à un modèle qui intègre 26 types de mouvements caractéristiques par leur distribution spatiale et leur évolution temporelle au cours des premiers mois de la vie.  

Les participants ont été suivis jusqu’à l’âge de 18 mois et c’est à ce moment que le diagnostic de TSA a été évoqué en s’aidant d’instruments éprouvés tels que l’ADOS (Pre-linguistic Autism Diagnostic Observation Schedule). Les analyses multivariées par régression logistique ont révélé que certains mouvements spontanés du corps pendant le sommeil (notamment l’hémicorps supérieur) au cours de la période néonatale étaient significativement associés au risque de TSA à l’âge de 18 mois. Ces résultats encourageants, quoique préliminaires, émanent d’une étude qui porte sur un effectif restreint et demandent à être confirmés sur une plus grande échelle en recourant à d’autres modélisations des mouvements spontanés corporels observés lors de la période néonatale. Leur confirmation pourrait déboucher sur une prise en charge très précoce des troubles du neurodéveloppement, susceptible d’influer sur leur évolution et leur pronostic à long terme.

Dr Philippe Tellier


Article originel :
Doi H et coll. Spatiotemporal patterns of spontaneous movement in neonates are significantly linked to risk of autism spectrum disorders at 18 months old.  Sci Rep 13 13869 (2023). doi.org/10.1038/s41598-023-40368-2.