Sommeil et intégration sensorielle dans les TSA : ce que l’on sait

La prévalence des troubles du sommeil est élevée chez les sujets présentant un trouble du spectre de l’autisme (TSA), touchant jusqu’à 50 % des adultes et 80 % des enfants. Les difficultés de sommeil varient et peuvent différer tout au long de la vie, mais les symptômes les plus fréquemment rapportés sont : une durée totale de sommeil réduite, une latence d’endormissement allongée, un sommeil peu réparateur, et des réveils nocturnes. De même, les personnes avec TSA perçoivent le monde différemment et les perturbations des perceptions sensorielles sont fréquentes : hyper ou hypo réactivité sensorielle, intérêts sensoriels inhabituels (par exemple, sentir ou toucher des objets de manière intensive). Ces troubles sensoriels auraient un impact négatif sur la participation à certaines activités, les interactions sociales et le sommeil. De plus, l’environnement sensoriel semble important pour favoriser le sommeil.  

Ainsi, si l’origine des troubles du sommeil dans les TSA est multifactorielle, la difficulté à filtrer les sensations environnementales pourrait interférer avec le sommeil. La compréhension de la relation entre perturbation de l’intégration sensorielle et troubles du sommeil pourrait permettre une intervention plus ciblée, tenant compte des aspects sensoriels de l’environnement.

Intégration sensorielle et troubles du sommeil : une relation à plusieurs inconnues

Il a été suggéré que les enfants présentant des TSA pouvaient interpréter les signaux externes autour de l’heure du coucher comme des facteurs de stress, entraînant des difficultés de sommeil. Ces défis à l’heure du coucher peuvent générer une hyperexcitation et des difficultés à s’endormir. De plus, une relation bidirectionnelle entre troubles du sommeil et caractéristiques des TSA est soupçonnée, de sorte qu’un mauvais sommeil exacerberait les caractéristiques des TSA ce qui entraînerait alors des problèmes de sommeil, même si cette relation n’est pas universellement acceptée.  

Cependant, des interrogations persistent. Les résultats des études s’intéressant à la relation entre les troubles du sommeil et les perturbations du traitement sensoriel sont parfois incohérents. De plus, une incertitude demeure quant à l’impact d’un mauvais sommeil et des troubles de l’intégration sensorielle sur les activités des personnes présentant des TSA. Enfin, les travaux portant sur cette interrelation se concentrent principalement sur les enfants et peu d’informations sont disponibles concernant les adultes.  

Une revue de la portée pour explorer ce lien

Ainsi, dans cette revue de la portée, les auteurs ont examiné la littérature traitant de la question suivante : Quelle est la relation entre le sommeil et l’intégration/le traitement sensoriel dans les TSA ? 

Pour être inclus, les articles devaient avoir été évalués par des pairs, être rédigés en anglais ou en espagnol, tenir compte des facteurs sensoriels, se concentrer sur le sommeil et inclure principalement une population concernée par un TSA. Au total, six bases de données ont été interrogées depuis leur création jusqu’en juin 2021. Les termes clés utilisés étaient : « autisme, sommeil et troubles du sommeil, et troubles du traitement et/ou de l’intégration sensorielle ». Les auteurs ont tenu compte à la fois des critères du National Institute of Mental Health Research (RDoC) et du Diagnostic and Statistics Manual V (DSM-V) pour examiner l’interaction entre les dimensions de sommeil et l’intégration sensorielle. Les articles étaient exclus si la perturbation sensorielle reflétait une perte neurosensorielle spécifique (par exemple, la cécité ou la surdité), et s’il n’y avait pas de prise en compte claire du traitement sensoriel ou du sommeil. Cette stratégie de recherche a permis d’identifier 397 documents, réduits à 24 articles après application des critères d’exclusion. Parmi ceux-ci, 17 articles fournissaient des informations caractérisant une relation entre les troubles du sommeil et les différences de traitement sensoriel, et 7 étaient des études interventionnelles utilisant des approches sensorielles.  

Une coexistence corroborée, mais un lien à préciser

Toutes les études retenues sauf une portaient sur des enfants. L’outil le plus souvent utilisé pour évaluer le sommeil (8/24) était le Questionnaire sur les habitudes de sommeil des enfants (CSHQ), les autres études utilisant d’autres outils validés, des mesures subjectives ou objectives comme l’actigraphe. Le traitement sensoriel était évalué à l’aide du Profil Sensoriel (Sensory Profile, SP ou Short Sensory Profile, SSP) dans 12 études, sinon par le biais d’autres outils, d’observation de l’enfant ou d’entretien avec les parents.  

Globalement dans ces études, des troubles du sommeil multiformes tels que la résistance à l’heure du coucher, l’anxiété liée au sommeil, un retard d’endormissement, des réveils nocturnes et une courte durée de sommeil sont mis en évidence chez les personnes présentant un TSA. De même, une hyper-réactivité sensorielle (comprenant à la fois l’évitement sensoriel et la sensibilité sensorielle), une hypo-réactivité et des comportements de recherche sensorielle dans tous les domaines sensoriels, voire la combinaison de plusieurs de ces paramètres ont été identifiés. Si certains articles ont signalé des différences dans des domaines sensoriels spécifiques, cette revue ne met pas en évidence de cohérence entre les études. La coexistence de troubles du sommeil et de différences de réactivité sensorielle a été fréquemment rapportée, sans qu’il soit possible de conclure sur la nature de la relation qui les lie.

Des pistes d’intervention à confirmer

Peu d’études avaient pour objectif principal une intervention sensorielle. L’utilisation de couvertures lestées (pression profonde) n’a pas apporté d’amélioration objective du sommeil même si les parents rapportaient que leur enfant appréciait de dormir sous une telle couverture. D’autres études ont mis l’accent sur le mouvement, le toucher et les besoins sensoriels individuels ; les programmes de natation et de massage ont montré des résultats prometteurs. Notons toutefois qu’aucune de ces études n’était de bonne qualité méthodologique.  

Au total, des différences de réactivité sensorielle et des troubles du sommeil coexistent chez les enfants présentant un TSA et éventuellement les adultes. Cette relation est complexe et multiforme, et nécessitera des recherches supplémentaires car la littérature actuelle est insuffisante pour la définir plus spécifiquement. Les interventions qui incluent une composante sensorielle centrale n’ont pas été bien étudiées mais pourraient être efficaces pour améliorer le sommeil de certains enfants. Des études rigoureuses, utilisant de façon ciblée des supports sensoriels et sensori-moteurs en tant que composante de l’intervention sont nécessaires.  

Dr Isabelle Méresse


Lane SJ, Leão MA, Spielmann V. Sleep, Sensory Integration/Processing, and Autism: A Scoping Review. Front Psychol. 2022 May 17;13:877527
https://doi.10.3389/fpsyg.2022.877527