Liens entre troubles du sommeil, hypersensibilité sensorielle et connectivité thalamocorticale, chez les enfants d’âge préscolaire avec TSA  

Les troubles du spectre de l’autisme (TSA) qui relèvent des troubles du neurodéveloppement n’en obéissent pas moins à une pathogénie complexe. Si aucune étiologie univoque n’a été clairement identifiée, il semble bien que l’autisme se développe précocement, vraisemblablement in utero. Des anomalies de l’organisation du cerveau tant structurelles que fonctionnelles seraient à l’œuvre au travers notamment de la formation et de la maturation des connexions entre le thalamus et le cortex cérébral. Ces processus interviennent au cours du troisième trimestre de la grossesse et tout ce qui peut les perturber risque d’avoir des conséquences en cascade, capables d’affecter le développement cognitif, les fonctions motrices et le traitement post-natal des informations sensorielles.

Rôle des projections thalamocorticales 

La prédisposition génétique, et dans une moindre mesure certaines complications pendant la grossesse ou lors de la naissance, constituent des facteurs de risque de TSA et ont démontré une interférence dans le développement de la sous-plaque neuronale, et des voies thalamocorticales qui transmettent notamment les informations sensorielles au cortex auditif.

Les TSA sont fréquemment associés à des troubles du sommeil (prévalence : 40-80 %) et à une hypersensibilité aux stimuli sensoriels (prévalence : 65 %) notamment auditifs. Une hyperconnectivité entre thalamus et cortex sensoriel primaire notamment auditif a d’ailleurs été suggérée dans ce contexte par quelques études reposant principalement sur l’EEG, la magnéto-encéphalographie et surtout l’IRM fonctionnelle (fIRM). Il s’avère par ailleurs que toute cette connectique cérébrale intervient aussi dans la régulation du sommeil.

Connectivité fonctionnelle thalamocorticale atypique au cours des TSA 

Une étude transversale de type cas-témoins illustre le propos, en comparant 70 nourrissons ou enfants d’âge préscolaire (15-65 mois), tous sujets à TSA, et 46 témoins à développement neurotypique, appariés selon l’âge et le sexe. Une connectivité fonctionnelle atypique entre le thalamus et le cortex auditif a été recherchée durant le sommeil au moyen de la fIRM. La qualité du sommeil et la sensibilité aux stimuli auditifs ont été systématiquement étudiées.

En cas de TSA, une corrélation positive significative a été établie entre les troubles du sommeil et l’hypersensibilité aux stimuli auditifs. Par ailleurs, le retard à l’endormissement a été associé à une hyperconnectivité entre le thalamus et le cortex auditif, dans un sous-groupe de 29 patients chez lesquels la fIRM était considérée comme de haute qualité. L’amplitude du signal BOLD (blood-oxygen-level dependent) mesuré au sein du cortex auditif, reflétant l’activité neuronale, s’est avérée anormalement élevée en cas de TSA : un résultat qui témoigne, soit d’une réduction du filtrage sensoriel servant à différencier les stimuli significatifs de ceux sans importance, soit d’un défaut d’habituation aux stimuli auditifs au cours du sommeil naturel.

Cette étude plaide en faveur d’une connectivité fonctionnelle entre le thalamus et le cortex atypique au cours des TSA : une hypothèse de plus en plus plausible, avec la preuve ici que cette anomalie peut être détectée précocement. Le rôle de ce désordre fonctionnel dans les troubles du sommeil et l’hypersensibilité aux stimuli sensoriels est également probable.

Dr Philippe Tellier


Article originel :
Linke AC et coll. Sleep problems in preschoolers with autism spectrum disorders are associated with sensory sensitivities and thalamocortical overconnectivity. Biol Psychiatry Cogn Neurosci Neuroimaging. 2021;S2451-9022(21)00202-0. 
https://doi.org/10.1016/j.bpsc.2021.07.008