Témoignage de la maman d’Arnaud, 17 ans,
vivant avec un trouble du spectre de l’autisme

Témoignage crée en collaboration avec l’association Autistes Sans Frontières 92 et MaPatho

Bonjour, je m’appelle Anne-Sophie Peyle, je suis la maman de trois garçons.

Arnaud aujourd’hui à 17 ans, il a été diagnostiqué à trois ans. A l’époque on appelait ça « autisme », maintenant on appelle ça « troubles du spectre de l’autisme ». Il a un autisme tout à fait classique : il regardait pas, il mangeait pas, il dormait pas, énormément de difficultés à communiquer… Notre monde à nous est extrêmement différent de son monde à lui donc c’est très compliqué pour lui de comprendre quand on va parler parce qu’on a des doubles sens sans arrêt. Petit à petit à force de travail, il y arrive mais il a dû mettre les bouchers doubles pour réussir à aller à l’école le plus longtemps possible. Aujourd’hui il est en terminale.

Arnaud, on pensait qu’il avait des difficultés pour s’endormir quand il était nourrisson, parce qu’il avait faim ou qu’il avait mal au ventre (on avait compris bien plus tard que c’était déjà les prémices de ses problèmes de sommeil). A un an, un an et demi, dans son lit il arrivait à allumer sa petite veilleuse tout seul pour faire de la musique. Nous, on avait juste trouvé que c’était un génie quand même de pouvoir allumer sa petite veilleuse et faire la musique ! Mais en réalité on a compris aussi plus tard que c’était lié à ses problèmes de sommeil. Les problèmes sont apparus quand il a fallu enlever les barreaux du lit à barreaux quand il avait deux ans, parce que tout à coup il était libre, il a commencé à se balader dans l’appartement parce qu’en réalité il ne dormait pas… Donc on le raccompagnait gentiment pour aller se coucher et puis ben il dormait pas donc il se relevait et ainsi de suite…  On se disait qu’à cet âge-là un enfant qui ne dormait pas, c’était quand même surprenant. Plus grand, quand il a commencé à réussir à parler de ce qu’il ressentait, donc vers 10-12 ans, on a commencé à lui poser quelques questions, et il nous disait « oui oui je dors ». Et en fait, il a les yeux grand ouverts, donc il ne fait absolument pas la différence entre être allongé et dormir. Lui, il part du principe que s’il est dans le noir, c’est qu’il dort. Il se lève toutes les demi-heures ou toutes les heures pour aller se promener, pour aller se laver les mains, pour aller dans la salle de bain, pour aller se moucher, pour aller prendre un verre d’eau, pour aller aux toilettes… donc c’est qu’effectivement il ne dort pas. Il s’endort en général vers 23h, 23h30, depuis qu’on a identifié le fait qu’il ne dormait pas. On est certain qu’il y a des réveils nocturnes parce qu’on entend des bruits dans la maison et il va se balader. En revanche il ne nous appelle pas.

Mettre en place des rituels de sommeil a été absolument indispensable. C’est-à-dire vraiment, à partir d’un certain moment, il est au calme dans sa chambre. Il dort avec un cache œil pour l’obliger à fermer les yeux (à sa demande, pas à la nôtre). Comme ça, ça l’oblige à fermer les yeux, il n’a plus les yeux grand ouverts. Il dort avec un casque anti-bruit. Et on a colmaté l’intégralité des lumières, il a mis des petites pastilles sur tous les petits boutons veille qui risquaient de lui apporter des lumières, comme ça il est sûr de pas avoir de sollicitation lumineuse. A partir du moment où il rentre du lycée, il ne veut plus de bruit dans sa chambre pour être sûr de vraiment redescendre son niveau d’excitabilité, et donc il reste beaucoup beaucoup de temps dans sa chambre sans bruit pour être sûr de réussir à être calme pour pouvoir s’endormir.

Quand on essaye de temps en temps de sortir avec les enfants le soir, on sait que de le décaler dans son sommeil ou d’apporter des sollicitations neuro sensorielles, ça va avoir un impact sur négatif sur son sommeil et encore plus décaler son heure d’endormissement.

On avait parlé avec le pédopsychiatre de ce problème d’endormissement. C’est un sujet qui a été abordé bien après tous les autres sujets dans l’autisme. C’est que la priorité avait été faite sur sa scolarisation sur le fait qu’il accède au langage, sur le fait qu’il comprenne un petit peu mieux notre monde. Et du coup on avait parlé de ce problème de sommeil bien plus tard parce que ça nous paraissait moins important. La pédopsychiatre a essayé de rechercher plein de choses. Arnaud se sentant stressé le soir quand il essayait de s’endormir, elle nous a conseillé également de faire une hospitalisation pour tester son sommeil. Donc on a été en hospitalisation une nuit pour tester le sommeil. Il en est ressorti que tout allait bien, qu’il n’avait pas d’accélération cardiaque, et que fonctionnellement il allait bien. Si on devait parler de qualité de sommeil, je ne peux pas vous l’évaluer. Mais en journée, à part s’il y a trop de problèmes ne neurosensoriels, trop de sollicitations neurosensorielles, il ne montre pas de moments d’hyperfatigabilité, il ne montre pas des matins où vraiment c’est très difficile de se lever, il ne montre pas des coups de mou à 14 heures, donc je pense que, malgré tout, la qualité de sommeil est préservée. Ce sont vraiment les réveils nocturnes et la difficulté d’endormissement qui lui gâchent la vie, qui lui gâchent la nuit.

Dans notre famille, si on décale un de nos trois enfants, le lendemain c’est très compliqué. Moi j’admire les familles qui arrivent à sortir avec leurs enfants et rentrer à n’importe quelle heure et le lendemain les enfants vont dormir et récupérer je trouve ça formidable ! Chez nous, ça ne fonctionne pas ! Donc comme on a trois enfants qui ont des besoins de sommeil différents, respecter leur rythme de sommeil le plus possible, tout en gardant une vie sociale quand même, mais ne pas trop les décaler régulièrement et essayer de respecter une certaine quantité de sommeil – au moins de moments de calme dans la nuit – je pense que c’est le meilleur conseil que je pourrais donner.